Le Chou et l'œillet Alfred de Valois (1819 - 1888)

Un frais œillet, tout écarlate,
Embaumait l’air, au mois de mai.
Un chou frisé bien gros, bien laid,
Prenait des airs d’aristocrate
En regardant son compagnon :
« A quoi, lui dit-il, es-tu bon,
Pauvre brin d’herbe empanaché ?
— Moi, fit l’œillet, mon doux arôme
A toute heure parfume, embaume
Toutes choses qui m’ont touché. »
Le chou fit entendre un gros rire,
Puis après il se mit à dire :
« J’admire ton utilité,
Mais conviens un peu, pauvre hère,
De ma supériorité.
Je suis l’ami de la fermière,
Qui me cultive avec amour,
Et, tandis que dans un seul jour
Tu vois s’effeuiller ta couronne,
Moi je grossis et l’on me donne
De doux regards, des soins charmants.
L’on me caresse à tous moments ;
Car ma tête énorme, qui brille
Comme une émeraude au soleil,
Nourrira toute une famille…
Je suis un être sans pareil. »

Combien de gens en ce bas monde
Raisonneraient comme ce chou !
De tout objet où l’art abonde
Ils ne donneraient pas un sou.







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