L’Âne voyageur Auguste Rigaud (1760 - 1835)

Si le voyage instruit, comme il n’est pas douteux,
Disait Aliboron, en dressant les oreilles,
Je puis vous conter des merveilles ;
Car je viens d’en faire un fameux.
On entoure mon âne, on s’empresse, on écoute.
Il divague en braillant ; fait un pompeux récit.
Nul auditeur sur ce qu’il dit,
N’ose élever le moindre doute.
Il bavarde à tort à travers.
On croirait qu’il a fait le tour de l’univers.
Or, devinez en cent ; or, devinez en mille,
De quel voyage revenait
Le baudet.
A son joug attaché, d’un pas grave et tranquille,
Un bandeau sur les yeux, tel qu’on nous peint l’Amour,
Il avait d’un grand puits fait mille fois le tour.

Ah ! combien d’ignorants, pendant un long voyage,
Ayant même les yeux ouverts,
N’en apprirent pas davantage ;
Et passent, comme lui, pour des gens fort experts !





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