Les deux Moucherons Auguste Rigaud (1760 - 1835)

Tous, que le dieu du Pinde enrichit de ses dons,
Doués de sens exquis souvent nous nous entendons
Ce que n’entendent pas des oreilles profanes;
Tant les dieux ont pris soin de foncer nos organes !
Dans un délicieux jardin
Assis à l’ombre en un beau jour d’automne,
Je méditais, mon Horace à la main.
Un moucheron paraît, caracolle, bourdonne,
Et rencontrant un sien ami,
Lui tient, en bourdonnant, le discours que voici :
Oh! mon ami, que la nature est belle!
Regarde au loin ces nébuleux marais,
Ces joncs touffus, ces gazons frais,
Où le plaisir sans cesse nous appelle :
Vois ces fruits mûrissans, ces pruneaux , ces raisins,
Tout cela croit pour les cousins.
Quand la nuit sur son char lentement se promène,
Et que Phébus repose auprès de sa Climène,
Pourquoi ces diamans qui brillent dans les cieux ?
Pourquoi ! pour réjouir nos yeux.
Mon cher cousin, que te dirai-je encore?
L’homme et tant d’autres animaux
Sont les vases, sont les canaux
Où naît, circule et s’élabore
Le nectar dont tu vas t’abreuver à longs flots.
Il parle encore ; une hirondelle,
Volant, passant comme un éclair,
Gobe le philosophe à petite cervelle ,
Qui tenait ces propos en Pair.
Ceci nous met en défiance,
Dit l’autre de mes avortons ;
Peut-être que la Providence
N’a pas tout arrangé pour les seuls moucherons !





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