Le Lilas et la Pêche Albéric Deville (1773 - 1832)

Le fruit exquis dont la peau veloutée
Flatte la main qui cherche à le cueillir ;
Dont la saveur par les gourmets vantée,
Procure au goût un suave plaisir ;
Dont le parfum fait naître un vif désir,
Et dont la forme enchanteresse
Plaît tant au Dieu de la tendresse,
La Pêche (tout lecteur la devine à ces traits),
Se montrait à Phébus sous ses feuilles légères ;
Et tous les végétaux qui peuplent les parterres
Rendaient hommage à ses attraits.
Un Lilas, regrettant que sa fleur fût passée,
Leur dit d’un air jaloux : « Je n’ai point la pensée
De décrier tant d’appas ravissants ;
Mais écoutez, ce n’est point une fable :
Nous sommes nés tous deux au pays des Persans ;
Ma mère y connaissait les rustiques parents
De cet arbre tant admirable.
Eh bien ! partout où l’on trouve un Pécher,
On passe auprès sans y toucher ;
Ni sa fleur ni son fruit ne séduisent personne.
En vérité, chaque jour je m’étonne
Qu’en France ses produits le fassent rechercher. »
Depuis l’arbrisseau jusqu’à l’herbe,
Les connaisseurs furent tout ébahis ;
Mais on se rappela le vulgaire proverbe :
Nul n’est prophète en son pays.





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