L’oiseau qu’adopta la victoire,
L’aigle cher aux Romains , vient au plus haut des cieux
D’asseoir son trône radieux.
Son peuple le salue et célèbre sa gloire.
De toutes parts les concerts
Charment l’heureux loisir du puissant roi des airs.
« Grand Dieu! pourquoi tout ce tapage? »
Disait le léger papillon,
Qui se croyait un personnage ;
« Comment!… l’aigle sur nous veut s’arroger un ton
« D’autorité !… vraiment j’enrage ;
« Les oiseaux sont bien vils. Je le déclare net,
« Au nouveau potentat je refuse l’hommage.
« Je fais mieux ; et j’ai le projet
« ( L’audace convient à mon âge )
« De disputer le sceptre à ce fier conquérant :
« Vous allez voir; plus leste, en un instant,
« Des cieux je ferai le voyage. »
L’aigle avait sa police, et bientôt il apprend
Les propos du frivole insecte ;
Encor que l’aigle se respecte,
Il ne put y tenir. On vit sa majesté
Rire aux éclats. Je suis sincère,
Qui voudrait de la royauté.
Si de la cour l’étiquette sévère
N’y laissait quelquefois paraître la gaîté?
Par caprice ou calcul se montrant débonnaire.
Le prince accepta le défi.
Près de son adversaire, Le voilà qui rase la terre.
On donne le signal. L’aigle est déjà parti ;
Ses ailes étendues Ont franchi le sommet des nues.
Que fait pour lors damoiseau papillon ?
Presqu’à six pieds du sol il s’élève, dit-on ;
Mais, tout-à-coup, à la traverse
Un zéphyr vient et le renverse…
De brocards les oiseaux couvrent le fanfaron.
L’amour-propre toujours se montre téméraire;
Sans force et sans moyens il croit pouvoir tout faire.
Comme le papillon l’homme est présomptueux :
Cessera-t-il jamais de sortir de sa sphère?
J’en doute , car l’orgueil lui fascine les yeux.