L'Aigle et l'Assemblée des Animaux John Gay (1685 - 1732)

Quand l'œil de Jupiter cet inspecteur des mondes,
Qui voit tout, est partout,
Des astres eut sondé les cavités profondes,
Il s'éleva debout
Du petit point du notre terre,
Un immense murmure, une immense prière :
Les uns se plaignaient très peu bas
D'avoir ce qu'ils avaient-d'autres de n'avoir pas,
Ce qui formait l'essence d'un confrère.

"Viens ça, mon Aigle," a dit Jupin.
L'Oiseau Royal est déjà sur sa main.
D'un signe il a compris le céleste message,
Et le voilà descendant du nuage.
"Turbulents de vivants, " a dit l'oiseau des cieux,
"Pourquoi tout ce désordre et ce tapage affreux ?
De vos injustes cris, dites, quelle est la cause ?
Allons vite qu'on me l'expose.

A commencer par toi vilain Chien rechigné
Qu'as-tu?-"Mon sort est dur, répond le Chien de chasse,
Et j'ai lieu d'en être indigné ;
Voyez le Levrier, il dévore l'espace,
Tandis que moi d'un pas lent, fatiguant,
monts et par vaux à trotter je me lasse,
Et cela tout le jour durant."
—“Moi, ” dit le Levrier, “je me plains de ma vue :
Quand à chasser je m'évertue,
Mon gibier je le perds, faute de mieux y voir ;
Le Chien de chasse est lent, mais il a si bon flaire,
Que sans peine il fait son devoir
D'une façon toute exemplaire. "

Le Lion demandait l'astuce du Renard,
Du Lion le Renard demandait le courage,
Et qui plus est la force ; et le Coq sans retard
Demandait du Pigeon le vol et le plumage,
Tandis que le Pigeon, malgré son apanage,
Demandait ab hàc et ab hoc
Subito la valeur du Coq :
Les Poissons désiraient raser l'air et la plaine,
La quadrupède espèce aller nager sous l'eau
Pour voir le dessous d'un vaisseau,
Et lutter à la course avec dame Baleine.
Bref, envieux du sort d'autrui,
Chacun voulait avoir ce qui n'était à lui.

"Il parle par ma voix Jupiter," a dit l'Aigle :
"Taisez-vous, mirmidons, et surtout à sa règle
Sachez-vous conformer ; il rejette vos vœux :
Imbéciles et factieux,
Voudriez-vous changer de nom et de nature,
Et chacun revêtir de l'autre l'encolure ?
Vous vous taisez ! c'est bien! je vous quitte à présent :
Que chacun soit heureux ! que chacun soit content !
Point n'imitez l'orgueil de la famille humaine,
Vous succomberiez à la peine !

Livre I, fable 4




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