Chez les humains que d'esprits maladroits !
Quand un sot se métamorphose,
N'attendez pas que, par l'apothéose
J'aille éterniser ses exploits.
Un corbeau vit un aigle
Fendre l'air
Aussi prompt que l'éclair,
Puis saisir un espiègle,
Jeune hibou, malin, capricieux,
Qui par ses cris troublait les cieux.
Ce n'est pas tout : méchante bête
Souvent se met en tête
Projets pernicieux,
Pour les autres j'entends. Hibou, petit corsaire,
Attirait dans son repaire
Sarcelles et plongeons, bons babil ans des eaux
Qui ne quittaient leurs roseaux
Que pour connaître l'esclavage,
Etre envoyés sur un lointain rivage,
Si le hibou ne les croquait soudain.
L'aigle le sut, mit fin au brigandage
Du coquin.
Monsieur corbeau connaissait l'aventure;
Et voyant la tournure,
Puis la fin
De ce combat, je dis de la victoire,
Rêva la gloire
Et se mit en chemin.
Du vaincu la cohorte
(Tous les méchants ne trouvent pas d'abord
La mort)
Se réunit et forme escorte
Au neveu de l'ancien forban,
Toujours un mahométan.
« Son nom ? — Je l'ai vu dans l'histoire...
Souvent, je perds le mien:
Pauvre mémoire!
L'on veut que j'y retrouve un nom algérien !!!
Du reste, vous pouvez me croire.
« Puisque l'aigle a vaincu,
Dit le corbeau, j'entreprends la conquête... »
Il met aigrette sur sa tête,
Tout en s'armant de son écu.
Il avait assez bonne troupe ;
Perroquets rouges, blancs, canards et l'oiseau bleu
Garnissaient sa chaloupe.
« C'est un combat naval ! — Je l'ignore : morbleu !
Ou sur mer ou sur terre,
Suivons, sans bruit, notre corsaire...
Les compagnons arrivent au rempart,
Où l'ennemi, préparant ses machines,
Faisait briller ses javelines.
L'on avait dit qu'un renard
Guidait l'assaut. En voyant dans la lice
Le monseigneur pour chef de la milice,
Rire et brocard
Tombèrent sur le sire.
Cependant je dois dire
Que ses archers, autres soldats,
Gens d'arme et de combats,
Firent rendre la place.
Corbjau triomphait! son audace
N'eut pas long cours
L'on vous le harasse,
Et l'on tracasse
(Non pas en discours )
Le vainqueur et sa gloire.
Oui, bientôt la victoire
Et le butin, ses amours,
Sont enlevés par les corsaires...
— Qu'en pensent ses compères ?
— Sur la terre et sur l'eau
Ils répètent tout bas : A l'aigle la puissance,
Et la jactance
Au corbeau.