La Barque et les Rameurs Baron de Stassart (1780 - 1854)

Un jour, j’errais pensif sur les bords de la Seine.
Tout en suivant le cours de l’eau,
Je songeais à l’espèce humaine ;
Je repassais, dans mon cerveau,
Le chagrin qui l’attend au sortir du berceau,
Les passions, l’orgueil, l’égoïsme, et la haine,
Par qui nos tristes jours deviennent un fardeau.
Ensuite j’opposais à cet affreux tableau,
L’amitié dont le charme embellit seul la vie ;
Et, rappelant, à mon âme ravie,
Du passé les instants heureux,
J’étais avec toi, cher La Caze,
Dans ce charmant Berlin où, loin de tout fâcheux,
Montés ensemble sur Pégase,
On nous vit offrir, sans emphase,
Aux nymphes d’Hélicon notre hommage et nos vœux.
Tout-à-coup j’aperçois une barque légère :
De deux rameurs les mouvements égaux
La font rapidement voguer sur la rivière ;
A peine elle rasait la surface des flots.
Soudain s’élève une querelle ;
De colère, nos jeunes gens
Ne rament plus qu’à contre-sens.
Gare ! gare ! ils feront chavirer la nacelle…
Nos étourdis n’atteindront point le port ;
Ils s’en vont droit au sombre bord.

On l’a dit : notre vie est un pèlerinage
Auquel nous condamne le sort.
Combien un ami vrai nous aide et nous soulage !
Il charme, par ses soins, les peines du voyage ;
Mais il faut un parfait accord,
Car sans cela l’on fait naufrage.





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