Du lion amoureux on connaît l’imprudence. Sans griffes, sans dents, sans défense, Poursuivi par les chiens, il eut force embarras Pour se tirer du mauvais pas Où l’avait entraîné sa folle imprévoyance. Enfin, mais non sans peine, il gagne ses états. Qu’y trouve-t-il ? tout est dans l’anarchie ; On avait méconnu ses lois ; Mais, s’il voulait qu’on respectât ses droits, Devait-il quitter la partie ? Le retour du monarque ébranla les esprits. On ignorait dans le pays Les détails de son aventure ; Les animaux, grands et petits, Craignaient une déconfiture. Pourtant notre sire lion Connaissait sa position. Ce n’était point le cas de se montrer sévère ; Il prit donc un ton débonnaire, Fit une proclamation Où paraissait le roi beaucoup moins que le père : De ce qui s’était dit, de ce qui s’était fait, Il promit à chacun l’oubli le plus complet ; C’était indulgence plénière. Un seul point déplaisait ; en style trop pompeux, A tout propos et dans chaque ordonnance, On rappelait ce pardon généreux. Du reste, il eut d’abord une heureuse influence. On voyait, pleins de confiance, Sous un sceptre de paix tous les cœurs réunis ; Mais au respect, à la reconnaissance, Bientôt succéda le mépris, Car chacun sut que la clémence (La gueule du lion vraiment Le prouvait assez clairement) Était le fruit de l’impuissance. Honni de ses sujets, notre sire édenté Du trône fut précipité. Pardonner, c’est, je crois, agir avec sagesse ; Mais se donner des airs de magnanimité, Sans y joindre l’autorité, N’est-ce pas au grand jour exposer sa faiblesse ?