La Louve et le Lionceau Pierre Didot (1761 - 1853)

Un lionceau dont l'humeur fière
Lui faisait croire superflus
Les conseils de sa mère et ses soins assidus ,
Voulut contre son gré sortir de sa tanière :
Mais il n'alla pas bien loin
Sans payer son imprudence ;
Et bientôt il apprit par son expérience
Que de sa mère encore il aurait eu besoin.
Une autre bête carnassière,
Une louve avec ses petits
Osa l'attaquer la première,
Craignant pour ses enfants ses gloutons appétits
En aveugle elle suit l'instinct de la nature ,
Lui saute au cou, lui fait une large blessure :
Et le lionceau, se sentant
Moins de force que de courage,
Crut que le parti le plus sage
Était de fuir. Il fuit, mais en se promettant
De revenir dans peu pour venger son outrage.
Ses longs rugissements sont au loin entendus ;
A sa tanière il ne retourne plus ;
Et, tout honteux de sa défaite,
Au fond d'un antre creux il choisit sa retraite.
Tel, versant des pleurs amers,
Assis au rivage des mers,
Achille furieux, et plein d'impatience,
Contre son fier rival méditait sa vengeance.
Chaque jour notre lionceau
Assouvissait sa fatale colère,
Faisait un carnage nouveau
De quelque nouvel adversaire ;
Son ventre chaque jour devenait le cercueil
Des cerfs, des faons légers , du timide chevreuil ;
Il dépouilloit les troncs de leur robuste écorce :
La soif de se venger croissoit avec sa force.
Il en trouva l'occasion.
Auprès de l'antre du lion
La louve et ses petits passerent par mégarde ;
Elle entend quelque bruit, se retourne, regarde,
Le reconnoît, veut fuir, et le croit déja teint
Du sang de ses enfants. Mais le lion s'élance ,
Et du premier bond l'atteint.
La louve alors implore sa clémence.
Envers toi quel était mon tort ?
Dit le lion fougueux : frémis de ma vengeance.
Quand je te tiens en ma puissance
Tu demandes la vie, et mérites la mort :
Tremble, tu vas périr. Mais non, je te pardonne :
Pour jamais du moins souviens-toi
Qu'on ne doit offenser personne,
Pas même un plus faible que soi.

Fable 15




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