Craignez, dit-on, de renfermer
Le Loup dans votre bergerie :
Ce que la Sagesse nous crie,
Un fait va nous le confirmer.
Et que toute la race Louve
Se ressemble, que Louveteaux
Toujours deviennent Loups, ce fait encor le prouve.
Il doit prouver encor qu'il faut aux Jouvenceaux
Société sûre et choisie,
Puisque des Gardiens de troupeaux
Devinrent Loups par compagnie :
Voici le fait en peu de mots.
Parmi six jeunes Chiens de la plus forte race,
Césars en herbe, et s'ils suivent la trace
De leurs aïeux, aux combats destinés
Contre les Loups, un Berger trop facile
Souffrait un Louveteau, comme eux souple et docile',
Qu'au poil, au pas, à la face, au maintien,
Vous auriez dit issu du peuple Chien.
Pendant un an, tout se passa très bien :
Et Chiens et Loup s'accordaient à merveille.
Nature en lui cachait le bout d'oreille :
Le bout d'oreille à la fin se montra.
L'instinct lui dit de piller et de mordre ;
Il obéit : il mit tout en désordre ;
Et son instinct à tel point opéra
Qu'une Brebis enfin il dévora.
Il n'alla loin en porter la nouvelle :
D'un tel excès le Berger furieux
Sur ce brigand, forcé d'ouvrir les yeux,
D'un fer aigu lui fendit la cervelle.
Mais quoi ? ses Chiens, dont il promet l'appui
Ases troupeaux, leur plus ferme espérance,
Par ce vaurien, corrompus dès l'enfance,
Sont aussi Loups, aussi vauriens que lui.
Comme des Loups, ils vont à la maraude ;
Comme des Loups, ils mordent les passants,
Les autres Chiens et les petits enfants :
Comme des Loups, ils étranglent en fraude
Et les Chevreaux, et les Agneaux bêlants.
Cris, menace, collier ni chaîne,
Ni fouet, ni bâton n'y font rien.
Lemalheureux Berger, dans sa demi-douzaine,
Eut six Loups, et n'eut pas un Chien.