L'Aigle et l'Escarbot Barthélemy de Beauregard (1803 - ?)

Je ne dirais pas un seul mot
De ce fabuleux Escarbot,
Qui mit toute sa rhétorique
Au service de Jean lapin,
S’il n’eût fait qu’une humble supplique,
Pour délivrer, dans un moment critique,
Son sautillant voisin
Des serres et du bec de l’oiseau de Jupin.
L’aigle orgueilleux, dédaigneux et rapace,
Qui, trop fidèle aux instincts de sa race,
D’un coup d’aile étourdit l’éloquent animal,
Et qui, dédaignant sa prière,
Prit chez lui son soyeux compère,
Agit assurément fort mal ;
Mais pousser la vengeance
Jusqu’à tuer trois fois ses enfants au maillot,
Sans pitié pour leur innocence ;
Être assez indévot
Pour lâcher tout exprès une crotte indécente
Sur les genoux du souverain des dieux ;
Tout cela, n’en déplaise à la gent escarbotte,
Est encore plus odieux.
On doutait fort que cet impie
Pût en paix terminer sa vie,
Après s’être moqué du ciel,
En se gonflant de vengeance et de fiel,
Quand on sut qu’une mort tragique
Avait été son châtiment.
Malgré son humeur pacifique,
Étant aussi bon que puissant,
Le dieu pourtant dut se résoudre
Comme un utile enseignement,
A le frapper d’un carreau de sa foudre,
Mais toutefois sans le réduire en poudre,
Afin d’en faire un monument.
En le voyant atteint de ce coup redoutable,
Les animaux disaient : « Voilà ce grand coupable
Qui, non content d’avoir trois fois cassé les œufs
De l’Aigle impitoyable,
S’est encore moqué du souverain des dieux. »



L'escarbot est le scarabée.

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