La Chauve-Souris et les deux Belettes Barthélemy de Beauregard (1803 - ?)

Pour éviter la dent d’une Belette
Qui, dès longtemps, de parti pris,
S’était brouillée avec la gent souris,
Et sortir de son oubliette,
Une Chauve-souris disait : « Je suis oiseau. »
Puis, pour ne pas payer la dette
Des oiseaux qu’une autre Belette
Ne pouvait pas voir en tableau,
Elle disait, en faisant sa courbette :
« Un oiseau, moi ? qui n’en serait surpris ?
Je suis souris. »

Il eût été beaucoup plus sage
De n’aller pas se fourrer dans leurs trous.
C’est ainsi que l’on peut, sans beaucoup de courage,
Ne pas hurler avec les loups.
La peur, l’ambition, l’intrigue,
Peuvent crier de bouche et non de cœur :
Vive le roi ! Vive la Ligue !
Mais dans ce cas, pour son honneur,
On ferait mieux de garderie silence ;
Il ne faut pas, avec indifférence,
Être le champion de tout gouvernement ;
C’est bien assez qu’on le subisse
Et qu’on lui donne son argent,
Sans que sur la borne on se hisse
Pour lui jeter son dévouement.
On ne doit pas, comme la girouette,
Crier et tourner à tout vent.
Que ma bouche reste muette,
Plutôt que d’acclamer Marat,
Mazzini, Robespierre,
Ou bien tout autre scélérat.
Qu’un autre soit, s’il veut, le flatteur de Tibère ;
Je garde mon encens.
On ne me verra pas,
Sans principe et sans consistance,
Crier, selon les cas et l’occurrence :
Vive les chats !
Vive les rats !
En prodiguant ma sympathie,
Je craindrais d’être pris
Pour cet animal amphibie
Qu’on appelle Chauve-souris.





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