La Chauve-Souris et les deux Belettes Charles Beaulieu (19ème)

Dans une maison séparée,
De tout autre habitation,
Vivaient à discrétion,
Deux belettes de la contrée ;
Pour l'une, les mets favoris 9
Etaient des rats et des souris ;
Tandis que par un goût contraire,
L'autre, d'oiseaux faisait son ordinaire.
Du champ et du verger l'une fit son quartier,
Celui de l'autre fut la cave et le grenier ;
Une chauve-souris qui hantait ces demeures,
Tour-à-tour à certaines heures,
Tant du grenier, que du verger,
Prévoyait bien quelque danger, sans doute :
Mais, est- ce bien toujours la raison qu'on écoute ?
Et la raison disait qu'il fallait déloger.
Espérant au moyen de sa double nature,
Echapper à la sépulture,
Comme avait fait au temps jadis,
Dit-on, l'une de sa famille,
Elle reste dans ce logis ;
Mais, hélas ! pour la pauvre fille,
Ce temps- là n'était plus, et les chauves - souris,
Aux belettes étaient d'un goût fort agréable :
Le temps le leur avait appris.
Dame belette aux oiseaux favorable,
Eut soin de le lui faire voir ;
Voici comment. Un soir,
Se trouvant nez à nez, dans un étroit passage,
La belette aussitôt en voyant son visage,
S'apprête à la croquer. - Doucement, s'il vous plaît,
Mange-t-on les gens tout d'un trait ?
Je suis oiseau, voyez mes ailes,
-Assez, depuis un siècle et plus,
Dame chauve-souris, ces tours là sont connus ;
Puis la croquant, par là, sans plus d'autres querelles,
Elle lui prouva très bien,
Qu'autre temps, autre moyen..

Livre II, fable 5




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