Les deux Taureaux et une Grenouille Charles Beaulieu (19ème)

Sur les confins d'un marécage,
S'en allant à leur pâturage,
Une génisse et deux taureaux,
Qu'arrêtaient les eaux
D'un ruisseau grossi par l'orage,
Prenaient, faute de mieux,
De leur repas, un à-compte en ces lieux ;
De ces humbles parages,
Le peuple coassant, flatté de cet honneur,
Se jucha sur ses joncs pour voir les personnages ::
Une grenouille avec douleur,
Dit aux enfants des marécages :
Ce que vous admirez est pour nous un malheur ;
Ce trio, bien connu pour être querelleur,
Peut pour la moindre bagatelle,
Un beau jour, nous la bailler belle.
Au plus tôt, croyez-moi, cherchons quelque moyen,
Pour l'éloigner d'ici . Non, non, n'en faisons rien
Répond tout d'une voix, un groupe,
Puis après lui toute la troupe
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Qui l'écoutait. C'est pour nous trop d'honneur,
Qu'en ce jour de bonheur,
Nous advienne telle visite ;
Supplions-le plutôt qu'il veuille donner suite
A ce projet, dont nous sommes jaloux ;
Qu'il règne parmi nous !
Les habitants de la prairie,
Aux peuples des marais porteront tous envie.
Pour eux, l'événement justifia trop tôt,
La vérité de cet avis propice ;
Car, entre les taureaux la discorde, bientôt,
S'élevant au sujet de dame la génisse,
Un combat s'ensuivit. Ce peuple des marais,
Ecrasé par centaines,
Apprit à ses dépens que l'honneur a ses peines,
Et que pour conserver la paix,
Ce que l'on a de mieux à faire,
C'est d'éloigner de soi tout prétexte de guerre.

Livre II, fable 4




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