Le Lièvre et les Grenouilles Barthélemy de Beauregard (1803 - ?)

Un Lièvre ayant effrayé des Grenouilles,
Disait : « Je ne suis pas vraiment le plus poltron. »
Puis ajoutait, avec moins de raison :
« Qu’on vienne encor me chanter pouilles,
Et l’on verra ! Je veux me faire un nom
Par mes exploits et mes prouesses ;
Plus de ces indignes faiblesses
Qui me faisaient trembler de peur !
Tout lièvre que je suis, je montrerai du cœur.
Je veux faire un jour des conquêtes :
Ne mets-je pas en fuite un grand nombre de bêtes ?
Tout le peuple jaseur des oiseaux,
La gent souris et les mulots,
Tout ce qui vit et frétille dans l’onde.
Les insectes ailés et ceux qui vont à pied ?
Décidément la peur n’est pas ce qui me sied ;
Je l’abandonne à tout ce petit monde.
L’autre jour, dans un clair ruisseau,
Je considérais mes oreilles ;
Quand vit-on jamais un taureau
Vu sa grosseur, porteur de deux cornes pareilles ?
Voilà ce qu’on redoute en moi,
Et ce qui cause tant d’effroi.
Qu’on ne me parle plus de pourrir dans un gîte ;
Par les soucis rongé,
Dans ce triste réduit je n’ai que trop songé.
On ne me verra plus me sauver aussi vite,
Ni me mettre à jouer, pour si peu, du jarret. »
En ce moment arrivait un basset :
« Quel est ce chien ? dit-il ; il paraît bien fluet.
Je vais lui montrer mes oreilles,
Et, du milieu de ces oseilles,
Jouir un peu de sa stupeur ;
Je suis sûr qu’il aura bien peur. »
Il n’avait pas fini sa dernière parole,
Que le basset, faisant un saut,
L’étranglait en disant : « Ah ! je te tiens, mon drôle,
Je n’ai jamais trouvé de lièvre aussi nigaud. »
Qu’on échappe à l’empire
D’un vice ou d’un défaut,
C’est à merveille ; mais il faut
Bien se garder de tomber dans un pire.





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