D’un orme épais un chasseur ombragé
Dormait couché sur une gerbe;
Tandis que son fusil chargé
A ses pieds reposait sur l’herbe.
Sautant et gambadant en ses bonds inégaux,
Près d’eux passe un lièvre timide;
Il voit l’arme fatale, et faisant trêve aux sauts,
S’enfuit moins gai, mais plus rapide.
Il s’arrête, un peu harassé,
Derrière un arbre enfoncé dans la plaine;
Et de ses quatre pieds l’un sur l’autre pressé,
Blottit son corps en boule ramassé,
Ecoute et retient son haleine.
Mais bientôt curieux, enhardi de nouveau,
Sur le cou l’oreille étendue,
Tout doucement allongeant son museau.
Vers le fusil il dirige sa vue.
» Bon, se dit-il en soi, c’est donc là ce qui tue !
» Il ne dit mot ! il semble mort !
» Pour tuer, il faut qu’il remue;
» Mais il ne bouge point. Oh! oh ! le maître dort.
» Lors il hasarde un pas, puis deux, puis quatre;
Puis il court au fusil, d’un air très cavalier,
Le heurte même, et, leste et familier,
Près de lui commence à s’ébattre.
« Fuis, atome imprudent et d’orgueil enivré,
Dit le fusil, qui s’ennuie et se lasse !
Ignores-tu que je puis à mon gré
T’envoyer aux enfers expier ton audace?
Le tigre carnassier, le lion belliqueux
Tremble au seul bruit des foudres que j’enserre ;
Nul ne se joue à mon tonnerre;
Plus faible, au moins sois aussi sage qu’eux.
Va, ce bruit, dit le lièvre, en vain frappe l’oreille ;
Nous savons tous quel pouvair est le tien.
Nous te craignons, tant que ton maître veille;
Dès qu’il s’endort, tu n’es plus rien.»