Par la nature égaux, dans leur beauté première,
Deux jeunes cerisiers grefses différemment,
L'un pour l'utilité, l'autre pour l'agrément,
Près l'un de l'autre ornaient la saison printanière.
Le mieux paré, tout fier de ses bouquets nombreux
A fleurs doubles, ravi d'étaler sur ses branches
Tant de larges rosettes blanches,
Prit avec son confrère un ton fort dédaigneux.
— Voisin, lui cria-t-il, tes fleurs sont bien mesquines ;
Au printemps si c'est là tout ce que tu destines,
Mieux que toi je lui fais honneur,
Et tu dois envier ma gloire et mon bonheur.
— Oh ! ne crois pas que j'en murmure,
Paisiblement lui répondit
L'arbre à la modeste parure,
D'un stérile ornement ton orgueil s'applaudit.
Rien n'éclora de tes fleurs effacées
Quand le souffle des vents les aura dispersées.
Tu brilles plus que moi, je t'accorde ce point ;
Mais je promets des fruits et tu n'en donnes point.

Que de sujets d'humaine espèce,
Infatués de leur richesse,
Brillants d'un luxe vain, restent sans nul produit,
Et, parmi les porteurs de rosettes nombreuses,
Combien a de pareils l'arbre aux fleurs orgueilleuses,
D'où ne sort jamais aucun fruit !





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