Des plus vils animaux l'Egypte a fait des Dieux,
Esope n'en fait que des hommes.
Mais les Chats que Memphis voulut placer aux Cieux,
Sans doute n'étaient point dans ces temps précieux,
Tels que nous les voyons dans le siècle où nous sommes :
lis distinguaient leurs gens, égratignaient toujours
Les perfides amis, les Courtisans volages,
Et faisaient patte de velours
A Bias, à Thaïes, surtout â Sésostris :
Un Roi juste vaut tous les Sages !
Les Chiens de ces temps-lâ compagnons d'Anubis
Partageaient à la fois ses talents et sa gloire.
Un trait de leur prudence est digne de mémoire,
On les vit sur les bords du Nil
Au même instant courir et boire
Pour éviter le Crocodile.
Phèdre l'a dit, on peut l'en croire,
Et si ce n'est assez d'un Auteur fabuleux,
Je puis citer encor le Père de l'Histoire.

Un de ces Lévriers fameux
Se désaltérait dans sa route,
Un Crocodile adroit qu'il mettait en dérouta
Lui dit, jouant les yeux dévots :
Dom Lévrier, que votre Seigneurie
Se tourmente mal à propos !
Reposez-vous sur la rive fleurie,
Courir si fort dans ces temps chauds,
C'est exposer vos jours, buvez sans vous contraindre.
Mais le buveur agile, alors doublant le pas:
Un ennemi flatteur n'en est que plus à craindre,
Crois-moi, cherche un autre repas.

Livre II, fable 14




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