Bois, qui fus le témoin de mes premiers désirs,
Quand tu m'offris Emire à l'ombre de ce hêtre,
Vois couler tout mon sang sur cette urne champêtre
Qui contient mon trésor, ma vie et mes plaisirs.

C'est ainsi qu'un amant regrettait son amante,
L'air égaré, l'œil sombre, un poignard a la main ;
Et l'écho redisait, du creux d'un roc voisin,
Les derniers mots de sa plainte éloquente.
Errant près de ce bois, un Berger amoureux
Les entend et s'écrie : insensible maîtresse !
Tout parle de plaisir, d'amour et de tendresse ;
L'écho répète ici les soupirs d'un heureux.

Tout-à-coup des sanglots troublent sa rêverie :
Il accourt, quel spectacle ! il voit, près d'un tombeau,
Et baigné dans son sang le Pasteur le plus beau...
Le Pasteur qui venait d'exciter son envie.

CHAQUE Mortel a ses douleurs ;
Ne jugeons point d'après notre délire :
C'est dans les âmes qu'il faut lire,
Et tous les échos sont trompeurs.

Livre III, fable 5




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