Le Mur et la Table Édouard Parthon de Von (1788 - 1877)

Un jeune homme à seize ans bien rarement est sage ;
Léon, vif et léger, comme on l'est à cet âge,
Avec son père, hier, causait,
Et voici ce qu'il lui disait :
« Mon père, en vérité, Paul est insupportable ;
De mon avis, il n'est presque jamais ;
Ce sont toujours des si, des car, des mais ;
Est-ce donc là le fait d'un ami véritable ?
Parlez-moi de Firmin, il est de mon avis,
Et mes moindres propos de bravos sont suivis ;
Je le trouve bien plus aimable. »

Puis, par son humeur emporté,
Gesticulant avec vivacité,
Léon perd l'équilibre ; il saisit une table,
Mais elle offre à ses doigts un appui trop peu sûr,
Elle glisse ; et sa chute était inévitable,
Si sa main, en tombant, n'eût rencontré le mur,
Appui certain, mais un peu dur,
Qui lui cause, un moment, une douleur légère.
« Mon fils, » reprend alors son père,
Cet incident, qui vient à mon secours,
Sert de réponse à ton discours ;
Écoute la leçon que le hasard te donne :
Cette table, vois-tu, c'est un ami flatteur,
Qui, dans l'occasion, fuit et vous abandonne,
Et dont il faut haïr le langage imposteur.
Le mur est l'ami vrai, qui te soutient, t'assiste ;
Si parfois son langage et te blesse et t'attriste,
Tu peux, du moins, te fier sur son cœur.
On ne peut s'appuyer que sur ce qui résiste. »

Livre V, fable 19




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