Prêchant la pauvreté, le jeûne et le pardon,
Certain derviche avait sa bourse bien garnie.
Il fut volé par un fripon :
Et voilà mon saint qui renie
Tous ses beaux discours d'autrefois.
Il veut livrer son homme à la rigueur des lois.
Il faut que sans pitié l'offense soit punie.
Il espère que l'Eternel
Va foudroyer le criminel,
Comme si Dieu n'avait pour passe-temps bizarres
Qu'à prêter son tonnerre aux derviches avares.
Mais un juge lui répondit
Et lui dit :
- Vous méritez deux fois la peine que mérite
L'homme que vous chargez avec tant de chaleur,
Car il est simplement voleur,
Et vous doublement hypocrite.
Ce juge était sévère, et vraiment il est dur
D'être ainsi mis au pied du mur.
Quoi donc, parce qu'on est derviche,
Il n'est pas permis d'être riche !
Il faudra se laisser voler
Sans se mettre en colère et sans se désoler.
Moi, j'aurais au dervis pardonné sans scrupule.
Juge et voleur vivaient sur son argent béni.
Il n'avait plus sa bourse, il était ridicule :
N'était-il pas assez puni !