Le Vallon et la Rivière Éliphas Lévi (1810 - 1875)

Le soleil resplendit aux portes du matin,
On entend des clairons sonner dans le lointain,
La roue en mugissant traîne les chars de guerre
Et l'ongle des coursiers fait retentir la terre.
Un humble et frais vallon, plein de vertes senteurs,
Tout baigné de rosée, et tout brillant de fleurs,
Sous l'aile de la nuit qui fuit devant l'aurore,
Humide et paresseux semble dormir encore.
Cependant la rivière à flots précipités
Déjà s'enfle, se trouble et fuit à ses côtés :
Eveille ! éveille-toi, dit-elle au vallon sombre :
Voici des cavaliers, des chariots sans nombre,
Ils vont rouler sur toi le désastre et la mort.
Eh bien ! dit le vallon, puis-je éviter mon sort ?
Puis-je fuir comme toi ? Mon devoir est d'attendre.
Je serai fécondé par le sang et la cendre,
Et la nature un jour me rendra ma beauté ;
Car pour guérir, la terre elle a l'éternité !
La nature et le sort nous font ce que nous sommes,
Et Dieu m'ayant donné mon paisible ornement,
Je veux en attendant les ravages des hommes,
Sourire et sommeiller jusqu'au dernier moment.

Livre V, fable 2


Symbole :

Ne jamais se troubler par l’appréhension du mal, car le mal qui peut nous atteindre n’est jamais plus fort que nous. Il n’y a qu’un mal réel, c’est l’injustice et nous pouvons être justes. Les calamités étrangères à notre conscience sont des épreuves ou des bienfaits de la Providence. Attendons-les en souriant.


Commentaires