Rien ne sert de sabrer : il faut toucher à point.
Nicolas et Perrier en sont un témoignage.
Gageons, dit celui-ci, que vous ne mettrez point
Sitôt que moi la Pologne en servage ?
Vous avez perdu la raison,
Dit l'autocrate : il faut à Charenton,
Pour que votre esprit se débouche,
Vous administrer une douche.
Fol ou non, dit Perrier, le pari tient encor.
On accepte, et bientôt chacun prend son essor.
Entre les deux l'Europe entière
Fut le juge dont on convint.
Le Czar croyait n'avoir que quatre pas à faire ;
Mais de ceux qu'il faisait lorsque, près d'être atteint,
Il fuyait autrefois devant notre bannière,
Sans même oser jeter un regard en arrière.
Ayant, dis-je, du temps de reste pour dompter
Ce peuple belliqueux, qu'il croit fait pour brouter,
Il laisse, à son loisir, notre fin diplomate
Mesurer de ses plans toute la profondeur.
Lors Casimir agit, mais doucement se hâte,
Sachant qu'aux Polonais fatale est sa lenteur.
Le Czar pourtant méprise une telle victoire.
À vaincre sans péril on triomphe sans gloire,
Se dit- il : et je crois que j'aurais peu d'honneur,
Si de tous mes moyens je voulais faire usage.
Ma gloire veut que je ménage
Un rival insensé. Cependant quand il vit
Que l'autre, sans courir, allait vite en besogne,
Il devint plus actif ; mais les efforts qu'il fit
Furent vains. Le ministre immola la Pologne.
Eh bien, lui cria-t-il : avais-je pas raison ?
De quoi vous sert d'être autocrate ?
Quoi ! vous êtes vaincu par l'art d'un diplomate !
C'est vous qu'il faut baigner aux eaux de Charenton.