Un jour, l'ombre, au soleil couchant,
Se vantait avec complaisance
Et disait: « Ma grandeur va toujours augmentant,
Quand le soleil lui-méme est dans sa décadence ;
Je suis donc un étre important !...
A peine l'eut-elle entendue
Que la Réalité se voyant méconnue
Lui dit: « Je dois punir ton téméraire orgueil ;
Le soleil est fixe à sa place,
Quand l'ombre tourne et se déplace.
Oh ! tu te vois d'un trop bon œil !
Fugitive et légère,
Tu n'es esprit ni corps,
Et dans toi, tout n'est qu'éphémère,
Ta valeur n'a qu'un faux dehors,
Toujours étranger à toi-même,
C'est la copie inerte et blême
D'un beau tableau de Raphaël ;
Et, bien moins que cela, tu n'as rien
Ne méprise donc pas l'astre qui nous éclaire ! »
Les rayons du soleil or étant disparus,
La Réalité dut se taire,
Car déjà l'ombre n'était plus.
Le soleil est bien la science,
Le génie et la vérité ;
L'ombre est l'orgueil et ignorance,
Le mensonge et la nullité.
Mais, par malheur, dans la nuit sombre
Que fait, autour de lui, sa sotte vanité
L'homme toujours embrasse l'ombre
Au lieu de la réalité.