Un coq devint aveugle, on ne sait trop comment.
Etait-ce de vieillesse? Etait-ce, en combattant
Ou pour l’amour ou pour la gloire?
Il n’en est rien dit dans l’histoire…
De ce tragique événement …
Ce que je sais très-bien ; c’est que notre invalide
Recherchait partout un bon guide
Qui le menât, non mendier,
Mais se nourrir sur le fumier.
Mon coq n’est point un coq, sachez-le, qui mendie;
Vif, laborieux, diligent,
En grattant,
Il travaille à gagner sa vie.
Après recherche assez suivie,
Il finit par trouver, dit-on,
Pour guider ses pas un chapon .
Son nouveau camarade en tout lieu le promène,
A l’aide d’un lacet à son aile attaché,
Et par lui l’endroit est cherché
Où l’on peut trouver quelque graine.
L’aveugle, qui le suit, s’adonne à son métier,
De cœur s’y livre tout entier:
Et sans cesse l’on voit, s’agitant dans l’espace,
Ses pattes se croiser et tricoter la place :
Mais le grand coquin de chapon
Gobe le grain, augmente son bien-être
Et fait jeûner son pauvre maître.
Ainsi donc, pour lui seul récoltant la moisson,
Le pauvre coq maigrit, et le chapon s’engraisse;
Mais celui-ci, bientôt, étant devenu gras,
La dame Fortune s’empresse
De lui causer des embarras!….
Or, devinez-vous l’anicroche
Qui suspendit ses bons repas?
On mit le chapon à la broche.

Honte cent fois, cent fois malheur
À qui retient pour soi le pain du travailleur !

Fables nouvelles, Livre I, Fable 10, 1851




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