Un poignard tout damasquiné,
Dans un fourreau d’argent, œuvre de ciselure,
Par hasard fut abandonné
Sur la table à manger d’une pauvre masure;
Il fut très-étonné de se voir en ces lieux
Tout près d’un couteau de cuisine ;
Et prenant une fière mine
Parla sur ce ton dédaigneux :
« Vil instrument de valetaille,
Misérable petit couteau,
Admire mon brillant fourreau
Et poignée à fine taille,
D’être si près de moi lu devrais bien rougir ! »
L’autre à l’instant sut répartir:
« A quoi servez-vous dans ce monde?
Vous ne manquez de faconde,
Mais ceci n’est pas un état ! »
« Vraiment! lui.répondit le fat,
On te fait travailler? moi je n’ai rien à faire,
Je suis noble, mais toi, tu n’es qu’un vil goujat
Fait pour croupir dans la misère ! »
« Eh ! pourquoi tant de vanité?
Lui répondit le pauvre hère :
Si vous n’êtes ainsi d’aucune utilité,
Pourquoi me mépriser? je sers à la fermière
Ainsi je vous vaux mille fois ! »
Parmi nous on voit même chose ;
Tel riche désœuvrée fait son apothéose
Qui ne vaut certes pas un pauvre villageois.