Honorer le bon Prince.
C’est ung grand bien de vivre en liberté,
C’est plus grand bien de vivre soubz ung prince
Qui saigement gouverne sa province
Et ses subjectz en commune unité.
En liberté les Grenoilles estotent,
Mats de ce bien point ne se contentoient;
A Jupiter demanderent ung Roy,
Dont il se rist voyant leur desarroy.
Tant fut pressé par leurs haultaines voix
Qu’il leur donna une tronche de bois
Pour leur seigneur. Adoncques s’avancerent
Et par honneur vers elle se baisserent ;
Mais, en voyant ce Roy sans mouvement,
Vers elles fut en grand contempnement.
Puts de rechef prierent leur changer
Icelluy Roy a ung Roy estranger.
Lors Jupiter une Cigoigne envoye
Pour estre Roy; les Grenoilles en voye
Mises se sont pour leur Roy honorer,
Lequel les yint manger et devorer.
Ce que voyans devers Juptter crient,
Et leur oster ce maulvais Roy le prient;
Il ne les oyt, pource qu’ilz refuserent
Leur premier Roy, et l'aultre demanderent.
Ung peuple ausst fol et sedicieux,
Qui nest content dung Roy bien gracieux,
Dieu luy envoye ung Roy qui le tourmente,
Dont tl se plainct et fault qwil s’en repente :
Blasme ce Roy et condampne ses faiciz,
Le premier loue et ses actes parfaictz.
Titre original : Des Grenouilles et de leur Roy