Le Loup et la Cigogne Jean Baptiste Perrin (17* - 1786)

Un loup fort affamé et qui plus est fort glou- ton, avait avalé trop goulument un quartier d'agneau : un petit os pointu lui était resté dans la gorge : par malheur il ne pouvait pas crier au secours. Il s'agite, ouvre la gueule, baisse la tête, essaye de tirer l'os avec sa patte : peine inutile ; il n'en put pas venir à bout. Une cigogne au long cou passa, par hasard, près de la place où maître Loup s'agitait et se tourmentait : Qu'avez- vous, lui demanda-t-elle ? Vous me paroissez être embarrassé : puis-je vous être utile ? Le loup lui fit figne qu'il avait quelque chose au gosier, qui le gênoit. Dame cigogne se met aussitôt à l'ouvrage et retire l'os avec son bec. Mon salaire, dit- elle. Votre salaire ! répliqua le loup ! vous badinez : n'est- ce pas beaucoup de vous avoir laissée tirer votre tête de mon gosier ? Allez ; vous êtes une ingrate : je vous le par- donne pour cette fois-ci ; mais ne paraissez jamais devant moi.

Voilà la reconnaissance qu'un homme généreux peut attendre d'un ingrat : non seulement il oublie les bienfaits ; mais il insulte souvent son bienfaiteur.