Près du jardin fleuri d’un souverain prospère,
- Un seigneur renommé, riche autant que puissant, -
Juste aux abords du bois, sortant de son repère
Se pavane, à l’aurore, un superbe faisan.
Il rencontre un dindon enfermé dans sa cage,
Tout près de la maison du fermier de ces lieux,
Lui dit ces quelques mots, en son propre langage,
Un langage d’oiseaux, tranché, vif et gracieux :
« - Cher ami, cher dindon, je plains ta destinée,
Comme celle du coq, du poulet, du canard ;
Au moment de la fête, à la fin de l’année,
Qu’adviendra-t-il de toi ? piaille l’oiseau bavard.
D’un simple roturier, tu pareras la table,
Ou les planches de bois d’un petit restaurant.
N'envies-tu le sort d’un gibier véritable
Qui régale les becs des riches et des grands.
- Tu as raison, faisan, d’un bourgeois de province,
Sa femme et son foyer, je serai le repas,
Toi, tu seras servi sur la table d’un prince,
Un homme que jamais le malheur ne frappa.
Tu possèdes, je vois, brillante perspective.
D’un maître ou d’un valet, savoir mes os rongés,
Cela m’importe peu et en définitive,
Nous serons tous les deux mangés. »
Inspiré par Théodore Lorin, Fables, 1850. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64337166/f43