Le Laboureur et ses Chevaux Jean-François Haumont (17** - 18**)

La mollesse est un mal ; dans les champs, on l'ignore.
Malgré le froid des aquilons,
Un laboureur levé dès le point de l'aurore,
La charrue à la main, ouvrait de grands sillons ;
Il pressait ses chevaux, de la voix et du geste :
Je veux, leur disait-il, une allure plus leste.
Allons, messieurs les paresseux ;
Je travaille pour vous, vous êtes bienheureux !
Ce bled, mis en dépôt dans le sein de la terre,
Par les soins miraculeux,
De l'Éternel, notre bon père,
Multipliera : prodige merveilleux !
Le grain fera pousser la paille,
Je pourrai vous l'offrir,
Vous en ferez ripaille ;
A votre tour, vous devez me servir.
—Nous vous remercions de tant de complaisance ;
Nous savons que penser de votre bienfaisance :
La paille est un triste régal,
Et c'est un dîner très-frugal
Tous nos frères des bois, sans le secours de l'homme,
Ni des biens dont il se renomme,
Vivent heureux, et n'ont recours
Qu'aux lois de la simple nature,
Qui leur offre la nourriture,
Et leur fait couler de longs jours ;
Mais avec vous, quel horrible partage !
De pénibles travaux, réduits à l'esclavage,
Tout notre labeur est pour vous ;
Et si vous avez soin de nous,
Quelle en est la raison ? La vérité l'emporte,
Votre intérêt seul vous y porte.

Livre I, Fable 6




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