Le Marchand Indien et le Chameau Jean-François Haumont (17** - 18**)

Dans les climats arides de l'Asie,
Dans les sables de l'Arabie,
On trouve le chameau, cet animal si doux ;
Dès qu'on veut le charger, il se met à genoux ;
Mais lorsqu'il sent du poids la suffisance,
Il se lève, on le mène ; il marche, avec constance,
Des jours entiers sans nul repos ;
Attend docilement que l'on juge à propos
De lui donner la subsistance ;
Et l'on admire autant sa patience,
Que son courage et sa sobriété.
L'homme est souvent cruel ; il joint la dureté
A tant d'autres défauts, et surtout l'avarice.
Un marchand indien possédait un chameau :
Un jour il le chargeait, et suivant son caprice,
Il voulut augmenter l'ordinaire fardeau.
A se lever soudain l'animal se dispose ;
Mais le patron lui dit : Voudrais-tu m'obliger ?
Encore ce paquet, l'ami, c'est peu de chose.
La bête ne dit mot, et se laisse charger.
- Cet autre est bien petit, c'est une bagatelle ;
Permets que je l'ajoute : il m'est bien précieux.
- Je le veux bien. Que je serais heureux
De pouvair emporter ma caisse de cannelle !....
Barbare ! c'en est trop, vous me feriez mourir :
Cette charge est déjà trop lourde,
Et je ne veux plus souffrir
Que vous mettiez seulement une gourde.
Le maître voulut insister :
L'esclave perdit patience,
Rompit ses fers sans hésiter,
Renverse tout, s'enfuit, et sous la dépendance,
Jura bien fort qu'à l'avenir
On ne pourrait le retenir.
Tyrans, qui gouvernez sur terre,
Songez que l'homme, votre frère,
Peut se livrer au désespoir,
Si vous le surchargez par-delà son pouvair.

Livre III, Fable 15




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