Les animaux ont-ils de la raison?
Ou bien est-ce l’instinct qui seul leur sert de guide?
Descartes s’est ému de cette question;
Sans hésiter, maître Jean l la décide.
La bête, selon lui, ne manque pas d’esprit;
Elle voit le danger, combine, réfléchît
Pour s’y soustraire et, ne vous en déplaise,
Souvent bien mieux que nous délibère et choisit.
Des exemples nombreux viennent prouver sa thèse.
Le cerf et la perdrix déroutant les chasseurs;
L’industrieux castor, par de savants labeurs,
Préservant sa maison et les siens des ravages
D’un fleuve déchaîné qui couvre ses rivages;
Doux rats gourmands qui convoitent un œuf.
Le sauvant du renard par un procédé neuf;
Enfin le chat-huant, qui voit sa subsistance
Par la désertion souvent misa en danger,
Amputant les souris pour forcer cette engeance
A demeurer fidèle a son garde-manger.
A ces exemples-là j’en ajoute un moi-même,
Concluant s’il en fut. J’en fais un cas extrême
Et je tiens à le propager.

Remis aux soins d’un chirurgien habile,
Un caniche blessé fut guéri promptement.
A quelque temps de là, l’opérateur, tranquille
Et ne songeant à rien, entend distinctement
Gratter sur le palier de son appartement.
Il veut voir ce que c’est : d’une main empressée
Il ouvre et reconnaît, avec étonnement,
Son ancienne pratique escortant bruyamment
Un griffon affligé d’une patte cassée.

Philosophes, qu’en dites-vous?
Est-ce instinct ou raison? Est-ce esprit ou matière?
Ce chien a-t-il une âme comme nous?
Craignez, en disant non, de nier la lumière.

Contes, fables et poésies, 1864




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