Chez un certain conteur, fabuliste en renom,
J'ai lu qu'un jeune enfant, les jeux sont de cet âge,
Enflait par badinage
Des bulles de savon.
Une plume légère
Lui servait d'instrument,
Qu'il plongeait dans un verre,
Qu'il retirait en soufflant doucement.
L'onde s'arrondissait en sphère,
Et, se prêtant au désir enfantin,
Grossissait par degré, devenait globe enfin.
Du tube alors le ballon se dégage ;
Balancé mollement, dans l'atmosphère il nage,
Emporté par les vents.
Du soleil les rayons mouvants
Viennent frapper la surface arrondie,
Et leur lumière réfléchie
Répète dans les airs
De mille objets divers
L'image gracieuse.
D'Iris tantôt l'écharpe radieuse
Se peint dans le cristal du globe voyageur ;
On distingue chaque couleur,
Chaque nuance se dessine.
Ainsi qu'en un miroir, tantôt on voit aussi
L'image en raccourci
De chaque objet qui l'avaisine ;
Tracés sur ses contours,
Les palais et les tours,
Les arbres, les campagnes,
Les vallons, les montagnes,
Tournent en même temps emportés dans son cours.
Un autre enfant, plus simple encore,
Voyant passer le globe errant,
Si léger et si transparent,
Du phénomène qu'il ignore
Admire avec étonnement
L'effet charmant.
Pour lui, c'est un nouveau prodige,
Et, l'apercevant qui voltige,
Sans savoir ce que c'est, il brûle du désir
De le saisir.
Dans les ondes des airs porté par le zéphir,
Le globe tour à tour et s'élève et s'abaisse.
L'enfant sur ses deux pieds se dresse,
Lève les bras, croit le tenir,
Et, pour dernier effort, dans son impatience,
Vers l'objet il s'élance ;
Mais en faisant un léger saut,
Soudain l'air qu'il agite
Le reporte plus haut.
L'enfant revole à la poursuite
Du globe précieux
Qu'il suit toujours des yeux.
Il le voit de nouveau s'abaisser vers la terre,
Et, craignant de le perdre une seconde fois,
Il court... puis il s'arrête, approche en tapinois,
Le guette... entre ses mains le serre.
A peine est-il touché, l'objet s'évanouit,
Et l'air dans l'air s'enfuit,
Du jeune enfant entre les mains avides
Ne laissant qu'un impur limon.
Ainsi les hommes cupides,
Par leur folle ambition
Sont trompés toute la vie.
Ils poursuivent avec ardeur
Un objet qui de loin leur paraît enchanteur ;
Et cet objet de leur envie,
L'atteignent- ils enfin, qu'est-ce le plus souvent ?...
Du vent.
Le fabuliste du premier vers est Lorenzo Pignotti.