Sous les racines antiques
D'un Marronnier spacieux,
Deux Mulots, descendus de différents aïeux *,
Avaient leur héritage et leurs Dieux domestiques.
L'un né maître et seigneur de vastes souterrains,
Grossissait jour et nuit d'amples amas de grains ;
De châtaignes et de noisettes,
De cent sortes de fruits provisions complètes.
Les Mulots, comme les humains,
Dans leur trésor, dit-on, ne souffrent point de vide ;
Grands ou petits, il faut que les greniers soient pleins.
Celui-ci donc, toujours avide,
Accumulait toujours ; mais quoi ? Ses magasins
Semblaient engloutir sa chevance.
Malheureux, disait-il, hélas ! l'Hiver s'avance,
Pourrai-je parvenir à remplir mon cellier ?
Son voisin, petit casanier,
Avait rempli le sien, et sans beaucoup de peine,
Aux seuls dépens du Marronnier.
Ah ! dit-il au Crésus, qu'il voyait hors d'haleine,
Je n'ai pas ton vaste domaine,
Mais en réglant le mien sur mes simples besoins,
Que les Dieux, je le vois, m'ont épargné de soins !