Un Souriceau rodant une nuit, sans sa mère,
Fut conduit par son odorat,
Qu'il avait par malheur subtil et délicat,
Vers le trou d'une souricière.
Ou je me trompe à cette odeur,
Ou cette nuit je ferai fine chère,
Dit en son cœur la jeune aventurière.
Un fil pour un moment modéra son ardeur.
Le bestion recule ; il rumine en sa tête
S'il doit franchir ou non l'obstacle qui l'arrête :
Ma mère m'avertit jadis,
Se disait-il, que pour notre ruine
L'homme a construit mainte machine…
Que certains trous sont mortels aux Souris.
Le meilleur mets est bien cher à ce prix !...
C'est dommage…. Après tout la vieillesse est peureuse ;
Peut-être un peu jalouse, et beaucoup radoteuse…
Je serais bien d'avis d'en courir le hasard ;
Le plaisir paraît sûr et la peine est douteuse...
Puis mourir, en mangeant du lard,
Est-ce une mort si malheureuse ?...
Il flaire… Il flaire encore… Il entre au trébuchet ;
A l'odeur de la chair son appétit s'enflamme...
Il n'y peut plus tenir, il coupe le filet.
La Parque, de ses jours, coupe aussitôt la trame.

Livre I, fable 18




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