Un pêcheur fort adroit avait tendu, dit-on,
Ses filets dans une rivière ;
Et pour mieux réussir, armé d'un long bâton,
Il soulevait sans cesse une bourbe grossière.
Quelqu'un lui demanda pourquoi,
De cette onde, il troublait ainsi la transparence,
Et pourquoi, des poissons, forçant la résidence,
Il les agitait tous, et de crainte et d'effroi ?
Je prends, répondit-il, en ce moment pour guides,
Et l'intérêt et la raison,
Ne voulant point, ce soir, rentrer à la maison,
Sans pêche aucune et les mains vides.
Je suis assuré du succès
En troublant cette onde si pure :
Forcés, n'y voyant point, d'errer à l'aventure,
D'eux-mêmes, les poissons, viendront dans mes filets.

On reconnaît ici les hommes qui, sans cesse,
Vivent au sein des factions,
Et pour qui la discorde et les divisions
Sont une source de richesse.

Livre V, fable 10




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