A père et mère obéiras,
Ou toujours t en repentiras.
Ce que l’on nous défend, toujours nous le voulons :
— Ne faites point ceci. — Ceci nous le faisons.
— Cela ne convient pas. — Mais nous, cela nous tente.
Je ne sais quel malin esprit
Toujours à l’oreille nous dit
Que chose non permise est bien plus attrayante.
Voici pourtant un fait qui nous doit avertir
Qu’il fait bon rarement à ne point obéir.
Mère poule partait pour un pèlerinage,
En quel lieu je ne sais, ni pour quelle raison ;
Mais en mère prudente et sage,
Avant de quitter la maison,
Elle avertit ainsi sa chère géniture :
« Mes enfans, je vous en conjure,
Ecoutez-moi, retenez bien ceci :
De vous pour quelques jours, il faut que je m éloigne,
Jusqu à ce que je vous rejoigne,
Demeurez clos et ne bougez d’ici ;
Redoutez le renard : encore tout à l’heure
Je l’ai vu qui rôdait près de notre demeure.
Oh ! songez-donc à mon retour,
Mes chers enfans, songez quelle serait ma peine,
Si ma remontrance était vaine
Et que quelqu’un de vous manquât à mon amour :
J’en mourrais ! Si j’en crois un sinistre présage,
J’augure mal de mon voyage :
Veuillent les Dieux qu’il n’en soit rien ! »
Enfin elle parla si bien
Que tous ses poussins lui jurèrent
De point en point qu’ils suivraient ses avis.
Mais à peine leur mère eut quitté le logis
Qu’aux champs tout aussitôt mes gaillards s’envolèrent,
Et tout joyeux, de courir, de trotter,
De sautiller, de voleter
Dans la plaine libre et profonde,
Qui devant eux s’étendait à la ronde.
De renard point, il était endormi,
Voire même en voyage ;
Ou peut-être en pèlerinage,
Le larron se trouvait aussi ;
Bref, nul danger n’était à craindre ;
A rester au logis dès lors pourquoi s’astreindre ?
Puis le renard , belle raison,
Disaient poussins, pour garder la maison !
Leur mère était une peureuse.
Cependant le renard veillait
Et d’un œil actif épiait
De nos poussins la marche aventureuse.
Bien tapis, le drôle, en un coin,
Il attendit qu’ils fussent assez loin,
Puis d’accourir. Vers leur demeure
Poussins aussitôt de s’enfuir :
Mais le renard sut mieux courir,
Et leur fit bien voir à cette heure
Que toujours les sages avis,
D’une mère surtout, doivent être suivis.