L'Agneau et le Loup Marie-Amable Petiteau (1736 - 1816)

Messire loup enlevait un agneau
Et le portait dans sa tanière,
On croit bien que c’était le plus fort du troupeau ;
Se débattant de peur et presque de colère,
Enfin se dégageant de la dent meurtrière,
L’agneau criait : M’arracher à ma mère !
Contre nous apaisez votre injuste courroux !
Qu’avons-nous fait pour vous déplaire ?
Vous êtes l’animal le plus cruel de tous.
Tu ne connais donc pas celui qu’on appelle homme ?
Repart le loup en le flairant.
Il fait la guerre à tout être vivant.
Et même à ses pareils ; il fusille, il assomme,
Et bien souvent sans la moindre raison.
Je tuerai par fois un mouton,
Mais point de loup ; tuer son frère est crime énorme :
Pour celui-là chez nous il n’est point de pardon.
Ton maître aurait déjà fini ta doléance,
Car du monde bientôt il te fallait sortir :
Je te mangerai cru , lui t’aurait fait rôtir,
Et voilà de ton sort toute la différence.