Vous vous rappelez bien le souriceau novice,
Qui vit un chat et revint au logis,
Charmé de sa douceur, de son air sans malice ;
Vous savez, en nommant l'ennemi des souris,
Ce qu'apprit à son fils la mère la plus sage.
Il n'en crut rien. « C'est l'humeur, le mépris,
Se dit-il, qui la porte à tenir ce langage. »
Pour se rendre, il fallut qu'il y fût presque pris.

Certain Disciple ayant un docte Maître,
D'ailleurs du naturel le plus heureux peut-être,
Imaginait que l'âge, ou le chagrin
À son instituteur dictait ses Kyrielles,
Sur les Amis, sur les Grands, sur les Belles ;
(Car c'était toujours son refrain.)
« Le masque d'un ami couvrir un Monstre horrible !
Être joué, trahi, perdu
Par l'objet qu'on adore, et qui paraît sensible !
En s'attachant aux Grands, à leur plaire assidu,
Sans succès ne traîner qu'une chaîne pénible !
Voir un Boufson ravir ce qui vous serait dû !
Non, s'écriait-il, non, cela n'est pas possible ! »
Ah ! jeunesse, jeunesse, ainsi vous vous leurrez !
Votre incrédulité sans doute est respectable ;
Mais sous d'heureux dehors, à voir l'homme coupable
En vieillissant vous vous ferez.
Notre jeune homme enfin débute dans le monde,
Jugeant d'autrui par sa candeur ;
C'est sur ce qu'il croit voir qu'il s'étaie et se fonde.
L'ami qu'il chérissait lui fait une noirceur ;
L'Amour, en l'endettant, lui donne un successeur.
Le Grand qu'il sert enfin, loin d'agir, l'abandonne.
Pour un bon cœur que de soucis cuisants !
Le voile tombe alors ! Il était encor temps,
Nous rejetons souvent les avis qu'on nous donne,
Et ne nous éclairons jamais qu'à nos dépends.

Fable 9




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