Certain Fleuve majestueux
Recevait dans son lit vingt sources vagabondes,
Et tombant sur le roc dans son cours tortueux,
Dispersait, en fuyant, les perles de ses Ondes.
Sa Rive gauche murmurait :
Peut-on, se disait-elle, être à ce point prodigue ?
Le gravier, le gazon, tout ce qui me parait,
N'a pu contre ses flots être une sûre digue !
Me disperser ainsi, c'est dissiper mon bien.
Et pourquoi faire encor ? Je n'en sais rien.
On entendait plus loin une autre voix plaintive :
Je me trompe, ou c'était celle de l'autre Rive :
Eh ! Quelle raison peut forcer
Un Fleuve aussi considérable,
S'écriait-elle, d'entasser
Et les coquilles et le sable,
Dont chaque jour le poids m'accable ?
C'est avance pure, à ce qu'il me paraît :
J'offre pourtant un bord inépuisable.

Nous ne jugeons d'autrui que par notre intérêt.

Fable 1




Commentaires