Quoi ! Ne perdrez-vous pas cette farouche humeur,
Qui vous rend si souvent un objet redoutable ?
Disait un Cerf léger à l'Ours le plus traitable,
Mais qui pourtant inspirait la terreur.
Pour exprimer quelqu'un d'inabordable,
Les humains disent : « C'est un ours »
Tandis qu'ils comparent toujours
À l'innocent Agneau tout caractère affable.
Aussi voyez quelle bonté,
Et quelle égale aménité
Rendent Agnelet respectable !
Un seul Mâtin guide et retient aux champs
La cohorte des siens la plus considérable :
Par une main grossière il laisse, tous les ans,
Enlever, sans effort, sa toison secourable.
Je ne conteste point, repart le montagnard,
(Quoi que messieurs, les Ours, quand on veut les confondre,
Par des raisonnements ne sachent point répondre,)
Je conviens qu'à certain égard
Il ne serait pas mal de nous refondre.
Mais pour mieux établir cette nécessité,
Sans offenser Robin que vous avez cité,
Il faut, s'il vous plaît, qu'on m'apporte
Un exemple d'une autre sorte ;
Qu'on me dise : « Un Lion fut bénin certain jours ;
Un Tigre caressant sut se faire une cour ;
Une Hyène cruelle abjura sa rudesse. »
Et non pas « Agnelet est sans fiel, sans aigreur. »
De quel mérite est la douceur
Que l'on ne doit qu'à la faiblesse ?