Les Roseaux parlants Pierre de Fontenailles (1717 - 1772)

Sous un vaste Bonnet jadis le Roi Midas
Cachait d’oreilles d’âne une paire sans bornes !
Pour un Roi c’est un piteux cas ;
Sans doute il eut autant aimé porter des cornes ;
Le beau Sire de plus peut-être en avait bien,
Mais son histoire n’en dit rien:
Or-je m’en tiens a ses oreilles,
Si grandes que c’était merveilles,
Et que de les cacher long-tems ne fut moyen:
Un beau matin ce couple énorme
De son gite fourré s’échappant par Hazard,
En dépit du Prince Oreillard,
Vint aux yeux d’un Quidam se présenter en forme:
Ce Quidam était un Barbier ;
Se taire n’était pas un point de son métier,
Il n’était pas aussi payé pour le silence ;
Ergo point n’était apparence
Qu'il gardât un secret qui pouvait l’oppresser,
Aussi se hâta-t-il de s’en débarrasser.
Dans un creux qu’a propos lui présente la terre,
Il raconte le fait en style bref et clair,
Puis le ferme avec foin, pour que ce qu'il enferre
Ne vienne à se perdre dans l'air,
Mais la chose longtemps peut-elle être secrète ?
La terre étant du genre féminin,
Le moyen qu'elle fit discrète ?
Elle fit sortir de son sein,
Plutôt que d’être sans rien dire,
De merveilleux Roseaux qui disaient haut anet ;
Midas, Midas, notre bon Sire,
A des Oreilles de Baudet.
C’est ainsi qu’Apollon se vengea d’un ignare
Qui jadis aux accents de sa tendre Guitare,
Du Dieu qui préside aux Troupeaux
Préféra sottement les aigres chalumeaux ;
Sans doute a pire encore il aurait di s’attendre.
Juges iniques, déformais
Puisse-t-il autant vous en pendre,
Et puissiez-vous avair des Barbiers indiscrets.





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