Il est de ces gens empressés,
Qui, dans le bien qu'ils veulent faire,
Ne croiraient jamais faire assez
S'ils se bornaient au nécessaire.
Un quidam de cette façon
Rapporta d'un festin splendide
Une indigestion.
La bonne chère est si perfide !
Un Esculape est consulté ;
Il prescrit pour une semaine
Du thé, rien que du thé.
Le malade résiste à peine ;
On lui permet deux œufs. « Que deux !
Dit-il, selon ma raison saine,
Si deux sont bons, dix valent mieux. »
Aussitôt dit, il les avale,
Et, nouvelle indigestion !
Le médecin, dans l'intervalle
Vient, et, sans explication,
Défend toutes sortes de vivres,
Mais prescrit du veau seulement.
Par un même raisonnement,
L'idiot en mange trois livres,
Et le voilà presque expirant.
Déconcerté, se grattant les oreilles,
Notre docteur s'y perd : « II faut enfin
Dit-il, quelque tonique. » Il ordonne du vin ;
Le malade en boit trois bouteilles,
Croyant toujours, dans son erreur,
Que le plus sera le meilleur.
Désespérant de sa science,
L'homme de l'art, des moindres faits
Prend enfin connaissance,
Et n'est plus surpris' des effets.
Il dit : « Des lois de la nature
Tout suit le cours égal ;
Youlez-vous y trouver la route la plus sûre ?
Avec soin, évitant le mal,
Du bien usez avec mesure. »