Le Laboureur, le Géomètre et le Charlatan René Alexandre de Culant (1718 - 1799)

Il faut prévoir en toutes choses
Quel peut être l'évènement ;
Un grand chemin tout parsemé de roses
Droit en enfer, nous mène assez souvent ;
Tandis qu'une route escarpée
De sans et de larmes trempée
Peut nous conduire au firmament.
Pourquoi cette morale obscure ?
Dira, quelque mauvais plaisant,
D'une plus naïve peinture
Appuyez votre sentiment.
Soit. Trois compagnons de voyage,
Un Laboureur, un Géomètre, un Fou,
Je veux dire, une jeune homme ignorant et peu sage,
S'embarquèrent je ne sais où,
Pour aller... il n'importe, il suffit qu'un orage
Vers un pays lointain, assaillant leur vaisseau
Le fit aller au fonds de l'eau,
Et qu'avec lui périt tout l'équipage,
Fors le jeune homme et ses deux compagnons,
Qu'une vague jeta sur le prochain rivage.
Le trio presque nu, sans force et sans courage,
S'assemble, tient conseil, vient aux opinions,
Mais quoi ? pour se donner le simple nécessaire,
Il eût fallu beaucoup d'argent ;
Ils en manquaient ; malheur à l'indigent
Qui débarque en terre étrangère :
Le laboureur n'en eut aucun souci.
S'il ne s'agit, dit-il, que de fouiller la terre,
J'en vaux un autre, dieu merci.
On en aurait pu dire autant du géomètre.
S'il n'y fallu du temps, pour qu'il se fit connaître,
Le jeune homme ne savait rien
Et ce fut lui d'abord qui trouva le moyen,
De leur fournir les besoins de la vie.
[...]

Livre I, fable 3












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