Un lapin,
Un matin,
Foulait l'herbe tendre et fleurie,
Quand tout-a-coup, dans le lointain,
Il entend aboyer une meute ennemie.
Soudain, mon jeune lapereau,
Dressant l'oreille, allongeant son museau,
Sur son dos arrondi s'érige en sentinelle;
Bientôt le bruit cesse, reprend.
On avance, et les chiens donnent le nez au vent:
Ici, Brillant! à moi, Fidèle !
Ces cris sont entendus, et le petit lapin
De prendre tôt la fuite
Vers le taillis voisin,
Et, par de prompts détours, d'éluder leur poursuite.
Poussé par la frayeur, il arrive d'un saut
À la demeure solitaire
D'un vieux lapin., ami de son vieux père :
Au secours! au secours! tous les chiens du château
Sont lancés contre moi; sauvez~moi de leur rage,
En me donnant un asile chez vous:
— Pour toi m'exposer au carnage
De ces tyrans des bois!... Etourdi! loin de nous!
Le malheureux, au sort abandonnant sa vie,
Le cœur gros de soupirs, a la fuite a recours;
Mais cet excès de barbarie
L'accable plus que le danger qu'il court.
Il va, revient; la fatigue l'oppresse.
O dieux! il va tomber sous la cruelle dent
De l'infatigable Brillant!
Ti est déjà 1a qui le presse.
Il était rendu, Je pauvret!
O destinée inattendue!
Lorsqu'un propice trou vient s'offrir a sa vue.
Il y vole aussitôt, l'enfile, et disparait.
Brillant, tout ébahi, reste fixe en arrêt,
Le nez, la patte en l'air ;.... l'attente est inutile.
Cependant les chasseurs parcourent la forêt;
Le lapin au cœur dur, croyant l'entour tranquille,
Avait quitté son domicile,
Touait sur le gazon, broutait le serpolet.
La meute arrive a l'improviste:
Où fuir ? où se cacher ? son fumet le trahit,
Et tous les chiens le suivent a la piste.
C'en est fait, Je cruel périt,
Si dans le fort de la tempête
il ne trouve a l'instant une sire retraite.
Notre jeune lapin, entendant tout ce bruit
Sur le bord de son trou fait paraitre sa tête ;
Il voit l'infortuné courir même danger;
Il s'émeut,
Il soupire : Accourez, mon cher frère,
Partagez avec moi mon réduit salutaire.
C'est ainsi qu'un bon cœur se plait a se venger.
Cette leçon sans doute est pour vous nécessaire;
Mais l'acte est un devoir, et non pas un bienfait;
Car on doit oublier tout le mal qu'on nous fait,
Et faire par devoir tout le bien qu'on peut faire.