Les deux Lapins 2 Simon Pagès (17ème siècle)

Unis dès leur premier printemps
De l'amitié la plus sincère,
Deux beaux lapins vivaient, depuis longtemps,
Dans un réduit pierreux caché dans la fougère ;
Ces deux amis étaient heureux.
Oui, si j'en juge par moi-même,
L'amitié vraie est le trésor suprême,
Et le bonheur naît de ses feux.
Aux premiers rayons de l'aurore,
Us se rendaient ensemble aux lieux chéris
Ou la main féconde de Flore
Semait le thym, le serpolet fleuris.
Ils prenaient un repas tranquille,
Puis retournaient dans leur asile.
Ils avaient le même désir :
Faire le bien était leur seul plaisir.
On les aimait dans tout le voisinage ;
Taupille, le blaireau, le rat,
Les peuples habitants dans les trous du bocage,
Pour de si bons amis auraient livré combat.
Jeannot, un soir(c'était trois jours avant sa fête)
Tend un piège fatal, et l'un des deux amis
Est pris
Et mis
Au fond d'une prison secrète ;
Il devait fournir de sa tête
Au gros Jeannot le mets le plus exquis.
Dieu ! pour son ami, quelle peine !
Pour la connaître, il faut avair senti
La perte d'un parfait ami,
Chez ses voisins son cœur soudain l'entraine,
Au secours, voisins ! au secours !
Lapinet, mon ami, va périr pour toujours !
Le rat !'a vu dans sa prison cruelle ;
Prés des murs il nous conduira:
Des grifses et des dents minons la citadelle ;
Ménageons une issue à cet ami fidèle ;
Votre secours le sauvera.
Aces mots, rat, blaireau, taupe,
Tout galope :
Chacun est un héros. Les Grecs et les Romains
Ne furent jamais plus habiles
A creuser chemins souterrains
Pour surprendre des villes.
Avant le point du jour, on arrive au lapin ;
Le pauvret tristement attendait le matin
Qui devait terminer sa vie.
Il pleurait son ami, quand son ami lui crie:
A moi, Lapinet ; suis mes pas ;
Par ce sentier secret je t'arrache au trépas.
Notre Oreste aussitôt se jette sur ses trâces...
Les voila dans les champs... O céleste amitié!
Dirent les deux lapins, que nous te rendons grâces
D/avair jeté sur nous un regard de pitié !
La nuit avait fini son ténébreux empire,
Et l'aube commençait a briller dans les cieux.
Les bonds sur le gazon et les transports joyeux
Du bataillon ami ne pourraient se décrire.
L'aurore fut témoin des plus tendres adieux.
Enfin dans son manoir la troupe se retire.
Chaque guerrier, jouissant désormais,
Loin du tumulte et des alarmes,
Des doux plaisirs qui suivent les bienfaits,
De l'amitié voulut goûter les charmes.
Bonne leçon pour nous, amis !
Quand le-malheur afflige un frère,
Volons ensemble réunis ;
Calmons son horrible misère.

Livre IV, Fable 1




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