L'Éclipse Stop (1825 - 1899)

Un Rat noir avait épousé
Une petite Souris grise ;
Mais à plus d'une convoitise
Ce trésor était exposé.
Sans parler des piéges sans nombre,
Des assiettes de mort-aux-rats.
Et sans compter messieurs les Chats
Sournoisement tapis dans l'ombre,
Plus d'un Souriceau flagorneur,
La queue au vent, la patte agile,
Rôdait près de son domicile,
Au grand péril de son honneur.
Donc, avec plus de prévoyance
Que bien des maris d'aujourd'hui,
Il avait installé chez lui
Une bête de confiance :
Une vieille Chauve-Souris
Ridée et presque octogénaire,
Lorsqu'il sortait pour quelque affaire,
Gardait Madame en son logis.
Seulement, dès le crépuscule,
La duègne partait sans bruit,
Indiquant l'heure de la nuit
Comme aurait fait une pendule ;
Alors le maître vigilant
Rentrait ; la pauvrette cloîtrée
Souhaitait d'être délivrée
Par quelque chevalier errant.
Tout restait sourd à ses prières,
Quand survint un événement
Prévu par le monde savant,
Mais peu connu dans les gouttières :
Une éclipse,, tout simplement.
Monsieur le Rat, sans défiance,
Était allé chercher pitance,
Ne pensant à rien de pareil
De la part de Maître Soleil.
La Chauve-Souris y fut prise.
Sa montre était chez l'horloger ;
Or, voyant le jour se changer
En une pénombre indécise,
Elle prit son vol. Justement
Par là passait certain Léandre
À la voix douce, au regard tendre
Et prompt à saisir le moment.
Il fut pressant ; notre recluse,
Qui ne songeait qu'à se sauver,
Se laissa bien vite enlèver ;
Qui n'eût fait comme elle l'accuse !
Bref, inquiet, le gros Rat noir
Chez lui revint à toute bride,
Mais trop tard : la cage était vide.

On ne sait jamais tout prévoir.

Fable 42




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