De la Grenouille qui conchie la Souris Ysopet I (Moyen Âge)

Une souris moult se douloit
Pour une yave que passer vouloit :
Quant la grenouille avant se mist.
Qui par la passer la promist :
À la souris promet aye,
Si la voudroit avoir traye.
Ne s’en prent garde la souriz :
Pour ce est-ce trop grant periz,
Quant la bouche au cueur 11e s’acorde.
Tels a pensée vile et orde
Qui moult a douce la parole.
Celle qui tient l’autre pour foie
Parmi le pié la lia bien
A un petit filet au sien.
Or sont les piez liez ensemble,
Mes les cuers divers, ce me semble.
Or noë la grenoille avant *
Et la souris la va sievant;
Mais souvent se plugne la rainne,
De la souris noier se pene.
Au miex que puet se contretient,
De celle grever ne se tient.
Quant l’une sache, l’autre tire:
Sur eulx vient, qui la chose empire,
Un ül prist que illeuc trouva,
L’un bout en son pié en noua
Et l’autre au pié de la souris,
Et puis se sont au fleuve mis.
La raine en l’iave s’est lanciée,
La soris a o li sachiée : 2
Tant a par l’yave trainée
La soris qu’el fust deviée.
Sa volonté a accomplie
Par barat et par tricherie.
Par aventure ainsi avint
Qu’un escoufle par ilec vint,
Qui la soris flotant ot veue :
Si tost comme il l’ot aperçue,
A la soris s’est agetée
La raine avec en a portée
Qui s’estoit. au ül atachiée.
Ainsi fu la soris vengiée:
Car la raine qui l’ot tuée
Fust tost du busard devorée.

Quiconques veut que l’on se fie
En li et que l’en s’i afie,
Aidier doit, ou il li die
Qu’il n’est pas de sa partie :
Car qui oeuvre de traison,
Avoir en doit mal guerredon.

Tiré du le livre Fables inédites des XIIè, XIIIè, XIVè siècles et Fables de la Fontaine, par A.C. M. Robert, 1825, p.251


Fable III

Notes

Ert, sera, erit
O li sachiée : avec elle tirée
Ot, eut


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