Le peuple d'un marais avait perdu son roi,
Il était mort ; on ne dit pas de quoi.
Le défunt se trouvant le dernier de sa race,
Par la voie élective on devait procéder :
Mais avant de songer qui devait succéder,
On décida qu'au ciel il fallait rendre grâce,
Tant pour le décédé, que pour le successeur.
Quelqu'un pourtant, de ceux qui n'ont pas le bonheur,
Pour leur tranquillité, de croire en toute chose,
Observe qu'en cela mettre le ciel en cause,
Est une impiété, tout au moins un abus ;
Que chez un peuple sage il n'en saurait rien être,
Et voici l'argument qu'il posait là dessus :
Que prouve le besoin de se donner un maître,
Tout bien considéré, sinón,
Une ignorance, un manque de raison,
Pour se conduire seul ? Or, en bonne justice,
N'est-ce pas en cela rendre le ciel complice
De notre indignité ;
Dire qu'elle est son propre ouvrage ?
Le ciel créa la liberté,
Et la sottise l'esclavage.
Ce quelqu'un là, parmi ces bonnes gens,
Ne raisonnait pas trop mal à mon sens ;
Il aurait dû peut-être en dire davantage :
Par exemple : ajouter, qu'on a vu maintes fois,
Que pour concilier des peuples et des rois,
Les droits, les intérêts, tout étant inutile ;
Tant la chose est difficile,
On s'en tenait pour lors au régime des lois.